Pourquoi me remettre à écrire sur ce blog, après tant de temps ? Tant de souvenirs ? Alors qu’au jour d’aujourd’hui, mon état d’esprit et mes centres d’intérêts ont beaucoup changés et ne sont plus en phase avec mes écrits d’il y a un an ? Peut-être simplement parce que j’ai pris conscience qu’il est futile de créer un nouveau blog pour fuir l’ancien, que cela n’effacerait pas celui-ci et surtout les souvenirs et le vécu associés. Autant les intégrer et, plutôt que les laisser prendre la poussière dans un coin, les transformer en terreau fertile pour quelque chose de plus constructif. Pas que ce soit facile ou que cela se fasse en un claquement de doigt, mais il faut bien commencer par quelque part.
Souvent, on ne peut pas s’empêcher d’éprouver des sentiments négatifs liés à une situation passée, lorsqu’on se retrouve dans la même configuration. Pourtant, nous ne sommes pas obligés de répéter le passé, de prendre les mêmes décisions, de vivre la chose de la même manière. L’être humain n’aime pas souffrir, et lors d’une épreuve difficile qui le blesse, il garde souvent des cicatrices. Celles-ci lui rappellent que la prochaine fois, il devra faire plus attention. Mais quand est-ce salutaire et quand est-ce handicapant ? Une brûlure par le feu nous apprend qu’il ne faut pas s’en approcher trop près. Une trahison par un ami nous apprend-elle qu’il faut se méfier du monde entier ? Comme tout, un équilibre doit se trouver. Fermer son cœur, comme ne pas sortir de chez soi pour éviter un accident, n’est pas une solution. Comment faire alors ? Certaines personnes sont douées de la capacité de pardonner ou d’oublier facilement, et s’ouvrir de nouveau, encore et encore. Mais pas toutes.
Je ne fais pas partie de ces gens. J’ai par le passé était trahie, humiliée, harcelée même. J’en ai beaucoup souffert et par mécanisme de défense, j’étais devenue effacée et solitaire, fermée et méfiante. Il m’a fallu des années pour réapprendre à m’ouvrir, à faire confiance, à oser me dévoiler et exprimer mes pensées profondes, que je préférais garder cachées, à l’abri de la moquerie et des attaques. J’avais adopté le noir comme couleur de vêtement. Une muraille pour me distancer des autres, me protéger des curieux qui voudraient me connaître. Une armure de discrétion et de protection. On ne va pas chercher à parler à quelqu’un qui a l’air sombre et solitaire, on s’imagine que c’est une personne passionnée par la mort, les chauves-souris et que sais-je… On la pointe du doigt par son style vestimentaire différent, mais on ne la critique pas pour la personne qu’elle est, parce qu’on ne sait PAS qui elle est. Et puis des bracelets à piques et autres finissent de dissuader les éventuels audacieux. Ouf, on est à l’abri. Un peu seule, mais « mieux vaut être seule que mal accompagnée ». Surtout quand on ne sait pas ce que c’est que d’être bien entourée. Longtemps, j’ai eu ce genre de vie-là.
Heureusement, l’amour a réouvert mon cœur, et m’a permis de me réouvrir aux beautés de la nature et au monde en général. Depuis, j’ai fait beaucoup de chemin. On finit bien par ce rendre compte qu’on est vraiment seule dans son coin, et que finalement, être avec des personnes aimantes, ça fait chaud au cœur. Alors timidement, on fait des pas vers les autres. On se casse les dents, parce qu’on a peu d’expérience en sociabilisassions, peu de points communs à partager avec la majorité. On se décourage, on retourne dans sa coquille. Puis par hasard, on rencontre une personne avec une passion commune, cela fait tomber les barrières. Avec le quotidien, le temps et la patience, on apprend à se connaître, on s’apprivoise, on gagne en confiance. Une relation d’amitié solide se construit, petit à petit, lentement, comme un jeune arbre. Mais cela ne se fait pas d’un claquement de doigt et toutes les graines ne prennent pas. C’est aléatoire, cela dépend de la personne que l’on est à l’instant T, de l’évolution de l’autre et de soi-même. C’est un peu comme les histoires d’amour. Les plus belles rencontres sont inattendues, on partage un bout de chemin plus ou moins long. Cela peut être une rencontre éclair, une amitié coup de foudre, ou bien une relation patiemment construite. Peu importe, du moment qu’elles sont précieuses.
Parfois on a peur de perdre cela. Avec l’éloignement géographique, avec la monotonie du quotidien, érodant les liens et les souvenirs. Mais parfois, on se sent surtout dans un désert, où toutes ces personnes semblent inaccessibles, parties sur leur chemin d’aventure, alors que l’on se retrouve ancré quelque part. Dans un nouveau lieu, une nouvelle région inconnue. Où les habitants semblent méfiants et les commerçants peu aimables. Où les villages sont déserts, où les cinémas sont lointains, où les bars sont peuplés d’anciens. Où la solitude semble être votre nouvelle compagne. Où la perspective de s’intégrer semble être une montagne gigantesque à gravir.
Pourtant les oiseaux chantent dans la haie, le ciel est bleu aujourd’hui, le froid dessine des arabesques de givre que le soleil vient chatouiller. Les cèdres veulent toucher les cieux, et l’herbe dormir tranquillement. Mais la perspective de parcourir ces paysages seule en allège le charme. J’aime découvrir de nouveaux chemins de campagne ou de forêt, me promener dans un petit village à maisons à colombages, être dans des lieux vides et paisibles. Mais c’est pour moi plus une habitude de vacances, de we de promenades, avant de rentrer quelque part où m’attend ma famille ou des amis. Ici, c’est maintenant ma réalité, mais personne ne m’attend chez moi. Mes amies viennent et découvrent avec moi, mais elles repartent le lendemain, pour elles se sont des vacances, la semaine elles retrouveront des gens et des lieux familiers. Pas moi, et je me sens mon cœur étrangement tiraillé.
L’effort d’adaptation me semble plus grand que d’habitude, plus difficile à faire. J’imagine qu’avoir tous ces repères chamboulés est forcément perturbant. Il faut du temps pour découvrir, s’habituer et s’installer. Moi j’ai plutôt envie de me cacher sous la couette au chaud et d’hiberner. Mon nouvel environnement me semble indifférent, voire carrément hostile par endroit. Comment accueille-t-on une fille qui vient d’ailleurs dans ces campagnes qui me semblent si différentes des miennes ? Des bouffées d’angoisse et de mal-être me submergent, comme des vieux souvenirs qui remontent. Et je me rappelle ces mauvaises expériences que j’ai eues : cet endroit où je me suis faite oppressée et chassée alors qu’on m’avait accueilli volontairement ; cette autre ville glauque où malgré mes efforts je n’ai pu rencontrer personne ; ces we mornes et gris en cité U où tout le monde rentrait dans sa famille et moi je restais seule. Qui me dit qu’ici cela ira mieux ?
Pourtant, je dois me rappeler qu’une mauvaise expérience n’est pas condamnée à se répéter. Que c’est à moi de saisir l’opportunité pour en faire quelque chose de mieux, de positif. Que ce n’est pas écrit d’avance et qu’il ne faut pas partir battue. Reconstruire un cocon, bâtir de nouvelles relation, s’accoutumer à une nouvelle région, cela prend du temps, mais il faut bien commencer quelque part.
J’ai beau me dire cela, ça sonne superficiel. Je ne me sens pas bien et je n’arrive pas à identifier la source de ce mal être. La fatigue ? Le stress ? Le fait d’être dimanche soir et d’avoir une dure semaine qui s’annonce ? La solitude ? Mon hypersensibilité heurtée ce we ? Depuis quelques jours, je suis dans une « phase de boulimie émotionnelle », je mange et je mange et je ressens le besoin de manger alors que je n’ai pas faim. Comme un exutoire. A quoi ? A mes émotions refoulées ? A toutes les brusqueries que je ressens intérieurement ? Je maudis mon hypersensibilité. Celle qui fait que je suis blessée par les émotions des autres, qui sont déchargées sur moi bien que je n’en sois pas la cible. Celle du commerçant qui s’énerve car il a eu une mauvaise journée. Celle du serveur qui est brusque car il est fatigué. Mon empathie me permet de bien mieux capter l’état d’esprit ou les émotions des gens. Mais c’est un poignard à double tranchant pour moi. Car de par mon hypersensibilité, ces émotions me heurtent de plein fouet. Je n’arrive pas à les laisser couler sur moi sans qu’elles m’atteignent. Comment le pourrais-je ?

« Il n’y a pas cinquante solutions quand une situation parait sans issue. Soit on se laisse couler, soit on se remet en question. Plutôt que « pourquoi j’en suis là ? », essayer « où se cache le soleil ? ». » Sylvie
Où est caché mon soleil ? Derrière quel nuage est-il parti ? Et comment le faire revenir ? Je rêve de courir dans les herbes hautes par une douce nuit d’été, de rire autour d’un feu de camp avec mes amis, de partager un gâteau aux pommes moelleux, de célébrer les petits instants avec les gens que j’aime. Pourquoi donc la solitude me pèse tant, moi qui n’ai jamais eu de problème à être seule et écouter le silence ? Est-ce parce que je ne trouve pas le calme en mon cœur, en ce moment, pour être touchée par la beauté de ce qui m’entoure ? Je voudrais tant rire comme une enfant le cœur léger. Sans me préoccuper de demain et de responsabilités. Mais je sens mon cœur lourd. Est-ce le stress et la pression qui me font tant ployer ? Il est peut être tant de réapprendre à respirer…
18 janvier 2014
Auteur des images : Megatruh